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Django Unchained, ou le dernier cadeau de Tarantino.

C'est peu de le dire, le nouveau film du réalisateur le plus branché de cette génération (bien qu'il n'ait réalisé qu'à peine 8 films en plus de 20 ans de carrière...) met en émoi l'actualité cinématographique du moment alors qu'une foule de fans, sans cesse grandissante, s'extasie depuis déjà quelques semaines devant leur nouvel objet de culte aux États-Unis et que le film vient à peine de faire son entrée fracassante sur les écrans français. Trois années après le remarqué Inglourious Basterds, succès critique et commercial, Tarantino revient sur le devant de la scène dans un film qui présente finalement plus de similitudes avec son œuvre précédente que l'on ne pourrait le croire au premier abord. Alors que beaucoup lui reprochent de ne pas assez se renouveler, le cinéma de Tarantino aura-t-il encore le vent en poupe cette année ?


On ne change pas les bases d'un scénario qui marche. Voilà ce que pourrait être encore une fois la devise du plus célèbre des réalisateurs américains avec Spielberg. C'est bel et bien une classique histoire de vengeance, chère au cinéaste, que Tarantino nous met en scène pour une énième fois. Cependant, le brio avec lequel il réussit à rendre passionnante chaque itération de ce canevas à travers toute sa filmographie ne nous incitait pas vraiment à nous inquiéter outre mesure. En 1858, Django est un esclave noir du sud des États-Unis. Séparée de sa femme, il appartient à deux frères négriers. Le Dr King Schultz, un ancien dentiste allemand reconverti en chasseur de primes, intercepte les esclaves et neutralise leurs maîtres. Il avoue à Django avoir besoin de lui pour retrouver et tuer trois autres frères négriers dont Django connaît les visages. Farouchement opposé à l'esclavage, King Schultz se lie d'amitié avec Django qu'il affranchit et forme au « métier » de chasseur de primes puis s'engage à l'aider à retrouver sa femme, asservie par un riche propriétaire terrien d'une plantation du Mississippi, Calvin Candie.

Derrière ce pitch somme toute assez classique tournant autour des thèmes visités un bon millier de fois, l'amour et la vengeance, se cache en réalité le film le plus politique de son réalisateur. S'il est toujours assez facile de mettre en scène les horreurs nazies de la Seconde Guerre Mondiale (Inglourious Basterds), il n'en va pas de même pour l'esclavage et le racisme aux États-Unis, sujet encore sensible au pays de l'oncle Sam. L'accusation est ici implacable face aux abominations commises par les américains pendant des décennies et la scène du Ku Klux Klan, déjà culte, témoigne de la volonté de Tarantino de tourner en ridicule cette partie de l'histoire américaine. Au côté de l’agressivité des traitements infligés au noir, cohabite ainsi l'absurde et le grotesque comme le prouve cet esclavagiste capable de lâcher des chiens affamés sur un esclave exténué mais totalement inapte à pouvoir articuler assez correctement pour qu'on puisse le comprendre. Humour et violence donc, les deux facettes de Tarantino...

Grand cinéphile et plus particulièrement grand amateur de western spaghetti, le cinéaste distille quelques hommages au genre, le plus flagrant étant bien évidemment l'hommage à Django de Sergio Corbucci (1966), considéré en son temps comme le western le plus violent jamais réalisé. Mais là où on craignait que le réalisateur ne se perde en une multitude de références trop éloignées de son univers d'origine, Tarantino étonne en ne sacrifiant à aucun moment son style sur l'hôtel d'une cinéphilie trop appuyée. On ne retrouvera pas les gros plans sur les visages, longs et intenses, de Sergio Leone ni même les figures taciturnes et silencieuses si emblématiques du western dont Clint Eastwood est certainement le meilleur représentant. Cela aurait d'ailleurs été très dommageable quand on connaît le goût de Tarantino pour les personnages bavards et les long dialogues rythmés. On ressort de cette expérience avec l'agréable impression de s'être replongé dans un western spaghetti comme on en fait (presque) plus tout en ayant assisté à un spectacle profondément original. Enfin, on ne manquera pas de remarquer que ce film présente une caractéristique essentielle commune avec Inglourious Basterds, la vengeance. Celle des personnages bien sûr mais aussi et surtout celle d'une communauté qui a injustement souffert, les juifs ou les noirs. Ainsi, le spectateur se délectera autant de voir Django, l'esclave noir constamment humilié, se venger dans un bain de sang de ses oppresseurs qu'il s'extasia quelques années plus tôt à voir Hitler mitraillé par des juifs dans un théâtre en flammes...


Gameplay   17/20
Cette fois-ci, la linéarité du montage a de quoi étonner. Le grand adepte de la narration chamboulée qu'était Tarantino, semble se désintéresser progressivement de ses premiers amours. Le fan inconditionnel pourra peut-être légèrement regretter cet abandon pur et simple d'une des caractéristiques qui a fait le succès du metteur en scène. Bien évidemment, la violence exagérée, les mouvements de caméra parfois à la limite du film de série B (Q.T. doit bien utiliser cinq ou six fois le zoom rapide sur un visage) ainsi que l'hémoglobine qui coule toujours à flot, rassureront le spectateur. Tarantino n'a rien perdu de sa superbe et sa mise en scène incroyablement stylée est encore de la partie. De mémoire, il n'est jamais allé aussi loin dans la violence des affrontements aux armes à feu que lors d'une séquence mémorable où Django affronte une bonne quinzaine de négriers. Que dire de plus qui n'a pas encore été dit sur le cinéaste ? Fidèle à lui-même, il nous gratifie encore une fois d'une réalisation à la hauteur de ses œuvres précédentes.

Temps de jeu    18/20
Si le premier rôle revient évidemment à Jamie Foxx qui interprète le rôle-titre de Django, c'est surtout les second rôles qui sont ici mis en valeur. Foxx a beau jouer avec talent la colère silencieuse de l'esclave en quête de vengeance, son personnage, plus effacé, ne lui permet pas d'attirer autant les louanges que ses partenaires. A commencer par Christoph Waltz, incroyable dans le rôle du colonel Hans Landa, méchant sadique d'Inglourious Basterds aussi cruel que raffiné. Preuve est désormais faite qu'il excelle aussi dans le rôle du « héros », plein d'humanité malgré son goût pour la violence, prêt à risquer sa vie pour sauver celles d'un esclave et de sa femme. Bien aidé par les répliques hilarantes écrites par Tarantino, Waltz, omniprésent dans la majeure partie du film, séduit indubitablement par la richesse de son jeu et le charisme qu'il a su apporter à son personnage. Parmi les autres performances jubilatoires, Leonardo Di Caprio, autrefois souvent restreint par son visage juvénile à des rôles de héros, brille dans le rôle du « bad guy » de service qui n'a justement rien à envier au terrifiant Hans Landa. Même s'il surjoue parfois (volontairement ?) le bourreau sociopathe, il n'en est pas moins hallucinant à chacune des ses apparitions. Enfin, sans que l'on s'y attende vraiment, Samuel L. Jackson illumine la dernière partie du film en interprétant le rôle d'un noir servile et raciste envers son propre peuple qui demeure aussi ridiculement comique qu'atroce et monstrueux. Un casting de haut niveau donc ! On notera aussi les caméos de Tarantino lui-même et de Franco Nero, interprète principal du Django de Sergio Corbucci.

Graphismes  18/20
Forcément inspirés des maîtres du genre, les grands angles et les paysages sont absolument sublimes même si la caméra ne s'attarde que rarement sur le panorama. En réalité, la photographie dans son intégralité est assez grandiose. Chaque lieu visité est esthétiquement fouillé que ce soit la petite ville du Texas, les plantations et la riche propriété de Calvin Candie ou d'autres environnements somptueux qui, tout en rappelant les décors classiques du genre, réussissent à se démarquer et à obtenir une identité propre. Encore une fois, rien n'a été laissé au hasard. La puissance des images n'en est que décuplée. Difficile de ne pas être captivé par l'arrivée du Ku Klux Klan en pleine nuit, chevauchant à toute allure dans une vallée faiblement éclairée par les lueurs de leurs torches. Ce type de plans, artistiquement aboutis, sont légions et on se surprend parfois à admirer la qualité et la perfection des images. Django Unchained est bel et bien un véritable triomphe sur le plan esthétique et visuel !

Scénario   18/20
Toujours aussi verbeux, les dialogues ne manquent pas de saveur, ponctués d'un humour souvent très fin et subtil. Ceux qui avaient tendance à oublier que Tarantino, c'est AUSSI des dialogues extrêmement travaillés dans lesquels aucune réplique n'est laissée au hasard, sauront cette fois se souvenir que le travail de l'artiste ne se limite pas à quelques scènes d'action réussies. Malgré quelques longueurs sur la fin qui pourraient nous laisser penser que la séquence finale aurait pu arriver un peu plus tôt dans le film, nous épargnant ainsi quelques circonvolutions inutiles, l'histoire se suit avec un grand intérêt précisément grâce à l'apport des personnages à l'intrigue. Le scénariste Tarantino est encore une fois désireux de nous surprendre par des séquences burlesques (l'arrivée du Ku Klux Klan, aveuglé par des cagoules mal confectionnés) ou encore par les situations extravagantes dans lesquelles se met volontairement King Schultz/Christoph Waltz même si certaines parties du scénario et notamment le dénouement sont globalement assez prévisibles. Soucieux de ne pas (trop) tomber dans le stéréotype des «gentils noirs oppressés par les méchants blancs », Tarantino insère dans chacun des deux « camps » un personnage à contre-emploi. King Schultz est le blanc humaniste, militant presque contre l'esclavage et Stephen (Samuel L. Jackson) l'affreux noir aussi horrible envers les esclaves que ses maîtres. L'humour et la violence crue, marques de fabriques du cinéaste depuis toujours assurent encore une fois le succès de ce film.

Bande sonore   16/20
Que serait un film de Tarantino sans sa bande sonore admirablement décalée et anachronique ? Toujours judicieux dans ses choix tous plus éclectiques les uns que les autres, Q.T. ponctuera de-ci de-là certaines scènes d'action d'une musique rap bien synchronisée avec l'image et étonnamment à propos. Connaissant ses classiques mieux que quiconque, il ne manque pas d'y saupoudrer quelques morceaux d'Ennio Morricone (pas les plus célèbres bien évidemment) pour enrober le tout d'une sauce western spaghetti et agrémenter la bande sonore d'un hommage bien senti. Le thème d'introduction « Django », comme beaucoup d'autres musiques du film, a été composé antérieurement pour d'autres westerns et est réutilisé ici. On peut donc néanmoins déplorer le peu de créations musicales originales bien que cela n'entrave en rien le bon déroulement du film.

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18/20
Dans un registre résolument « Tarantinesque », Django Unchained parvient à rendre hommage au genre tout en se créant une identité forte. Chaque composante du film , de la sublime photographie au casting impressionnant en passant par la réalisation virtuose de Tarantino, témoigne d'un aboutissement général de l’œuvre. Maîtrisé de bout en bout, aussi savoureusement drôle que profondément violent voire choquant, le dernier film du réalisateur-phare parvient à se hisser parmi les meilleurs de sa filmographie (seul Pulp Fiction semble encore inégalable) et mieux encore, s'impose au panthéon des meilleurs western de tous les temps au côté de « Impitoyable » de Clint Eastwood ou du classique « Le bon, la brute et le truand » de Sergio Leone. Sans aucun doute, le meilleur film de ce début d'année.



Publiée le 22 janvier 2013 à 18:00:01 par Kevin Sigayret


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